Quand les toits des maisons expliquent qui nous sommes : patrimoine bâti d’Argenteuil
Argenteuil n’est pas né d’hier. Les maisons, les églises et même les arbres nous le disent et ce, dès que nous entrons sur le territoire. On aime ces bâtiments ancestraux faits de bois, de pierres et de briques. Ils ont tous une histoire à raconter. Ils nous racontent en fait la vie d’un peuplement composé de plusieurs groupes culturels (Français, Anglais, Américains, Écossais, Irlandais) qui, graduellement, ont façonné ce que nous appelons aujourd’hui le patrimoine bâti.
Nous vous proposons d’en faire le tour pour mieux comprendre comment s’est effectué le peuplement des neuf municipalités d’Argenteuil et comment, à partir des matériaux disponibles alors, les pionniers ont érigé de si belles constructions.
Consultez la brochure sur le patrimoine bâti
Inventaire du patrimoine bâti
Existe-t-il une architecture typiquement argenteuilloise ? Il est difficile de dire oui. Cependant, il existe bel et bien un mixage de matériaux et de styles de bâtiments qui est propre à notre territoire. L’inventaire du patrimoine bâti de la MRC a été réalisé à l’été 2008. Il avait pour objectif d’accroître les connaissances sur le patrimoine bâti des municipalités composant la MRC, puis à orienter ses actions en matière de planification, de conservation et de mise en valeur du patrimoine bâti. Cet inventaire recense 1 270 édifices construits avant 1940.
Le rapport suivant dresse une synthèse sommaire de l’inventaire du patrimoine bâti, présente les principaux courants architecturaux sur le territoire, ainsi que des édifices issus de différents types d’architecture (religieuse, industrielle, agricole, institutionnelle, commerciale ainsi que quelques ouvrages de génie civil) et qui ont un impact important sur le paysage.
Consultez le rapport Synthèse et le répertoire des courants architecturaux
Le territoire de la MRC d’Argenteuil se caractérise par un riche patrimoine funéraire avec la présence de nombreux cimetières qui agrémentent ses paysages. Afin de mieux connaître, préserver et mettre en valeur ces cimetières, la MRC a réalisé un inventaire qui en recense 57.
Chacun de ces lieux de sépulture dispose d’une fiche d’information qui met en lumière son histoire, ses caractéristiques ainsi que quelques notes sur des personnages historiques inhumés en ces terres de repos. Les cimetières anciens témoignent de l’histoire du peuplement (d’origine européenne) d’Argenteuil et peuvent être considérés comme des dépôts d’archives à ciel ouvert. Le rapport qui accompagne cet inventaire dresse un ensemble de recommandations et de pistes d’actions afin d’assurer leur préservation et mise en valeur pour les générations futures.
Consultez l’Inventaire des cimetières de la MRC d’Argenteuil
Consultez l’inventaire des cimetières de la MRC d’Argenteuil (version en anglais)
Le canal de Grenville, comme ceux de Carillon et de la Chute-à-Blondeau, fait partie d’un réseau de canaux construits au début du 19e siècle sur la rivière des Outaouais en vue de contourner les rapides du Long-Sault. En 1812, les attaques répétées des Américains sur l’axe du fleuve Saint-Laurent mettent à mal l’extrême vulnérabilité des communications entre les deux principaux postes militaires du Haut et du Bas-Canada, Kingston et Montréal. Il est alors envisagé que la circulation se fasse par la rivière des Outaouais entre Montréal et Ottawa, et par les rivières Rideau et Cataraqui, entre Ottawa et Kingston.
En 1819, Henry du Vernet, capitaine dans le Corps royal de génie (Royal Staff Corps), arrive de Grande-Bretagne pour diriger la construction du canal. Les travaux de construction s’échelonnent de 1819 à 1829, sous la direction d’une centaine de soldats britanniques. Il faut aussi souligner le dur labeur de plus d’une centaine d’immigrants irlandais et de canadiens-français qui unissent leurs forces pour percer la terre du canal.
Les dimensions des écluses du réseau de canalisation militaire de la rivière des Outaouais sont fixées à 134 pieds de longueur sur 33 pieds de largeur, et 5 pieds de profondeur d’eau sur les seuils. Ces dimensions, des normes adaptées pour une utilisation militaire, sont insuffisantes pour une éventuelle utilisation commerciale; cette réalité va à moyen et long terme confiner et périmer l’avenir du réseau. Au moment de son inauguration en 1834, le but demeure cependant atteint : permettre de véhiculer les troupes et le matériel militaire entre les provinces du Haut et du Bas-Canada, évitant le risque qu’ils soient capturés par l’ennemi sur le fleuve Saint-Laurent.
Au cours de ses premières années d’existence, le canal est trop peu profond pour permettre le transport du bois par bateau (l’industrie du bois est alors le principal moteur économique du village de Grenville). Néanmoins, le canal est utilisé à cette fin grâce à l’emploi de barges. Ces voyages ne sont cependant pas des plus aisés dus aux risques de rater l’entrée du canal et de sauter les rapides, surtout par temps de brouillard, et du danger que posent les fortes crues printanières.
À partir de l’été 1871, et jusqu’en 1884, une restauration majeure du réseau de canalisation de la rivière des Outaouais est prévue et entreprise, afin, entre autres, de répondre aux exigences de la navigation commerciale moderne. Le canal de Grenville voit alors ses écluses être agrandies : elles mesurent maintenant 200 pieds de longueur sur 45 pieds de largeur et 9 pieds de profondeur d’eau sur les seuils. De 1959 à 1963, de nouvelles modifications sont effectuées au canal, attribuables cette fois à la construction, sous la tutelle d’Hydro-Québec, d’un barrage hydroélectrique et d’une écluse moderne à Carillon. Ainsi, à la suite de l’augmentation du niveau de la rivière des Outaouais lors de l’édification du barrage, le canal de Grenville est partiellement submergé. Aujourd’hui, seuls 10 des 21 kilomètres initiaux peuvent encore être admirés.
Inscrite à l’inventaire du patrimoine bâti de la MRC d’Argenteuil depuis 1996, l’église anglicane St. Aidan’s se dévoile au détour d’une courbe du chemin Louisa, à Wentworth. Construite en 1893 sur un terrain offert par John Neill, l’église fut consacrée en 1895. À l’époque, les fidèles entraient par le côté sud de l’église, sur le bord de la route, ce qui n’était pas l’idéal lors des obsèques et du transport des cercueils. Le portique fut donc déplacé du côté ouest de l’église, et un clocheton coiffé d’une croix en fer forgé fut ajouté. De style néogothique, les fondations en moellon, ainsi que les ouvertures en arcs brisés, témoignent de l’époque de construction du bâtiment. Premier lieu de culte sur le site, ce n’est qu’en 1958 que lui est adjoint la salle communautaire, érigée dans un style similaire et reliée à la façade est de l’église par un passage couvert.
Sise en terrain surélevé par rapport à la route, l’église se trouve à proximité de différents aménagements communautaires et du Louisa Cemetery. Ce dernier, consacré la même année que l’église, abrite cependant des sépultures plus anciennes, la première répertoriée datant de 1890. Avant cette date, les familles enterraient leurs morts sur leurs terres; le territoire de Wentworth comprend d’ailleurs plusieurs de ces lieux de sépulture familiaux. Les noms inscrits sur les monuments du Louisa Cemetery se reflètent quant à eux dans la toponymie de la municipalité, qui honore ainsi la mémoire de certains de ses pionniers, dont George Seale (1824-1910), John Neill (1849-1929) et William Watchorn (1835-1903). Ce lieu de repos éternel, toujours actif, aurait été agrandi à deux reprises, en 1941 et 1982.
Au cœur de Calumet, ancien village faisant maintenant partie de Grenville-sur-la-Rouge, se trouve une gare datant de la fin du 19e siècle. D’abord nommée Edendale (ou « vallée du paradis »), elle représente un type de gare simple, de style Eastlake, pensé pour des populations de petite taille. Ce modèle se caractérise par un plan rectangulaire, un toit à deux versants droits avec des avant-toits débordants servant à protéger les passagers des intempéries, des cadres de fenêtres très travaillés, et une baie vitrée qui permettait au chef de gare de surveiller la voie ferrée. Les choix architecturaux ont été influencés par l’importance de l’industrie forestière : la structure, le revêtement extérieur, les ornements, les finis intérieurs, les fenêtres, la couverture en bardeaux, les fondations d’origine, tout est réalisé en bois. D’ailleurs, la présence de scieries à proximité a permis de bâtir cette gare avec une grande rapidité et à un faible coût.
La construction de la gare de Calumet en 1877 et, par la suite, l’arrivée du train, marquent le début d’une véritable croissance économique et démographique pour cette localité isolée et peu peuplée. La circulation des voyageurs, ainsi que le transport de la poste et des marchandises, font de cette halte entre Montréal et Ottawa un lieu très fréquenté. En effet, c’est à cet endroit que le train s’arrête pour se ravitailler ; engin à vapeur, la locomotive doit y être remplie d’eau. Pendant cette opération, les passagers peuvent descendre du train et se désaltérer au restaurant aménagé à même la gare. D’autres y descendent pour se diriger vers le traversier qui les mènera à L’Original, du côté ontarien de la rivière des Outaouais, où les attend une diligence qui les conduira jusqu’à Caledonia Springs, une importante station thermale au 19e siècle. L’emplacement de la gare influence aussi le développement du noyau villageois : commerces, hôtels, résidences et bâtiments institutionnels sont construits dans le secteur de la gare à partir de la fin du 19e siècle. La présence du transport ferroviaire amène également plusieurs industries à s’établir à proximité, dont des scieries et des mines de magnésite. En 1915, la vitalité industrielle engendrée par le chemin de fer est telle que la gare de Calumet est agrandie pour accueillir un entrepôt de marchandises. Cependant, dans les années 1960 et 1970, le développement et l’amélioration du réseau routier québécois provoquent une diminution importante de l’utilisation des chemins de fer. Ainsi, c’est la baisse du transport de marchandises et l’essor de l’automobile qui provoquent la fermeture de la gare de Calumet en 1981, une année après celle de la gare de Lachute.
Parmi la soixantaine de gares historiques du Québec, c’est l’une des plus anciennes, et aussi l’un des derniers témoins de cette époque de notre patrimoine ferroviaire. En effet, sa sœur jumelle, la gare de Masson-Angers (Outaouais), construite à la même époque et également abandonnée au début des années 1980, a dû être démolie en mai 2021 après s’être partiellement effondrée au cours de l’hiver précédent. Citée depuis 2011, la gare de Calumet continue pour sa part à résister aux aléas climatiques, attendant que débute le prochain chapitre de son histoire…
Il faut remonter au 17e siècle pour comprendre l’origine du toponyme «Argenteuil». En effet, il est lié à la concession, aux environs de 1680, de la seigneurie à Charles Joseph d’Ailleboust des Muceaux, père de Pierre d’Ailleboust d’Argenteuil, à qui il vend ladite seigneurie en 1697.
En plus de son titre de seigneur, Pierre est également un militaire de profession, nommé lieutenant réformé en 1690 avant d’atteindre le grade le plus élevé, celui de commandant de compagnie, en 1710. Au cours de sa carrière, il fait de nombreux voyages dans la région des Grands Lacs, conduit plusieurs convois de fourrures jusqu’à Montréal, et participe à la défense de quelques forts français. Il décède subitement en 1711 d’une crise d’apoplexie, à l’âge de 52 ans.
À sa mort, c’est sa veuve, Marie-Louise Denys de la Ronde, qui hérite des titres de propriété de la seigneurie d’Argenteuil. Aucun Européen n’est encore installé de manière permanente sur ces terres pourtant concédées depuis une trentaine d’années puisque le gouvernement colonial interdisait toute installation dans les territoires situés à l’ouest de Ville-Marie (Montréal), pour des raisons de sécurité. Ce n’est finalement qu’en 1722 que cette interdiction est levée, permettant alors à Marie-Louise Denys de consolider son emprise sur la rivière des Outaouais en distribuant les premières concessions de la seigneurie d’Argenteuil. Quoique rudimentaires, ces tentatives de colonisation sont directement liées au contrôle du commerce des fourrures, ce qui n’est peut-être pas étranger au fait que certains de ses onze enfants suivent les traces de leur père en s’illustrant dans ce secteur.
Il faudra toutefois attendre les années 1780 et l’arrivée d’un nouveau seigneur, Pierre-Louis Panet, pour que le développement de la seigneurie d’Argenteuil s’amorce véritablement.
DUBERGER, John B. et Samuel GALE. Plan of part of the province of Lower Canada, 1795, BANQ, G/3450/1795/G35/1900CAR.
Secteur de l’ancien canton de Chatham
Vers la fin du XVIIIe siècle, des cohortes d’Américains immigrèrent dans la région. Ils peuplèrent d’abord la seigneurie d’Argenteuil avant de déborder dans le canton de Chatham. Une seconde vague d’immigrants, provenant cette fois des îles britanniques, suivit une centaine d’année plus tard. C’est ainsi qu’aucun cultivateur d’expression française n’a été recensé dans les limites du canton avant 1829.
En raison de leurs pratiques agricoles rudimentaires, nombreux étaient les pionniers qui durent d’abord tirer leur subsistance de la coupe du bois et de la fabrication de potasse. Pendant la période précédant le défrichement et la mise en culture des terres, leurs conditions de vie étaient extrêmement difficiles. Ensuite, compte tenu de l’épuisement rapide des sols, ils devaient en exploiter de nouveaux afin de pouvoir renouveler leurs récoltes.
En 1820, Elijah et Ephraim Burtch construisent le premier moulin à grains du canton de Chatham. Cette innovation fut suivie, vers 1825, par l’introduction de nouveaux instruments agricoles, dont une charrue de style écossais, et de meilleures techniques culturales. L’agriculture devient alors plus rentable.
Secteur Cushing
Cette localité doit son nom à Lemuel Cushing, un des plus importants marchands de bois du district. Il fut également conseiller municipal, maire, geôlier, puis juge de paix du canton de Chatham. Cet homme d’affaires possédait plusieurs immeubles dans le canton, ainsi que l’île Cushing, un lieu de villégiature recherché, situé dans le port de Portland, dans l’État du Maine.
Secteur Greece’s Point
À l’origine, Greece’s Point était un petit hameau établi à l’entrée du canal de Grenville. Un chemin de fer, qui servait surtout à l’industrie forestière, le reliait aussi à ce village voisin. Son nom rappelle John William Greece, qui acheta 5 000 acres de terres dans le canton de Chatham en 1803. Son fils Charles Claude Greece y vécut pendant plusieurs années et y exerça la fonction de juge de paix.
Secteur Saint-Philippe-d’Argenteuil
La paroisse Saint-Philippe-de-Chatham fut officiellement reconnue en 1856 et prit le nom de Saint-Philippe-d’Argenteuil en 1861. Le style architectural « romain » de l’église de Saint-Phillipe-Apôtre, un monument de grande valeur patrimoniale, fait la fierté de la population.
En octobre 1999, le village de Brownsburg et le canton de Chatham se sont regroupés volontairement, pour former la nouvelle Ville de Brownsburg-Chatham (décret 1112-99).
Secteur de l’ancien village de Brownsburg
Brownsburg tire son nom du premier habitant du lieu, George Brown. Cherchant la force hydraulique d’une rivière pour activer les roues motrices de sa machinerie, ce mécanicien de Lachute décida de s’installer plus au nord. En 1818, il obtint une concession de terres, y fit construire une scierie, puis s’y installa avec sa famille 11 ans plus tard. Des petits artisans et plusieurs agriculteurs vinrent alors s’établir sur des terres avoisinantes. D’autres scieries, une fabrique de cardage de laine et un four à chaux furent tour à tour érigés. En 1857, Brownsburg, qui comptait 11 habitants, faisait partie du canton de Chatham.
Dans les années 1920, le village occupait le sixième rang des 12 qui constituaient le canton de Chatham. La reconnaissance du Brownsburg à titre de municipalité, en 1935, signala toutefois sa séparation du canton. L’explication de cette scission se trouve dans l’évolution divergente des besoins de ces deux milieux, Chatham restant essentiellement rural, alors que Brownsburg s’urbanisait de plus en plus.
Le développement de Brownsburg porte la marque de trois industries : le bois, les minéraux et les explosifs. Jadis très prospère, le secteur du bois incluait notamment le classement et le sciage de billes, l’affûtage de scies et la fabrication de portes et fenêtres. Pour leur part, les carrières du nord-ouest du village exploitaient surtout le quartz, le mica et le granit. La Laurentide Granit Company y entreprit ses activités en 1893 et occupait plus de 600 travailleurs au début du XXe siècle. Elle a d’ailleurs fourni des milliers de blocs de granit à la Ville de Montréal pour la construction de la prison de Bordeaux et le pavage de rues du Vieux Montréal.
Les industries du bois et l’exploitation des carrières de granite disparurent avec le temps, remplacées par une usine d’explosifs, de munitions (cartouches) et de fusibles. Cette usine a fortement contribué à la croissance du village de Brownsburg, notamment pendant la deuxième guerre mondiale (1939-1945), période durant laquelle la demande pour des munitions était très forte, ce qui entraîna la création de milliers d’emplois (près de 4000 à l’époque). Aujourd’hui, la compagnie Orica y fabrique des composantes explosives, telles que détonateurs et cordaux détonnants, voués à l’exploitation minière, la construction de routes, etc. Elle emploie quelques 350 travailleurs.
Qui dit production dit main-d’œuvre, et c’est ainsi que pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’entreprise d’explosifs érigea des maisons en série, bâties sur des modèles similaires, pour loger son personnel, majoritairement francophone. Encore aujourd’hui, le secteur de Brownsburg se distingue d’un point de vue architectural par la présence de nombreuses habitations ouvrières, dites « wartime houses », et de résidences plus sophistiquées, jadis occupées par les dirigeants anglophones.
Autrefois territoire algonquin, le canton de Gore n’a commencé à accueillir des colonisateurs qu’au début du XIXe siècle. Vers 1819, on y recensait quelques familles de protestants loyalistes venus des îles britanniques, surtout d’Irlande. Dix ans plus tard, Joseph Bouchette arpenta le canton, car il fallait inventorier les terres incultes situées à l’extérieur des seigneuries établies pour répondre aux besoins des immigrants anglo-saxons qui arrivaient en nombre croissant.
C’est ainsi qu’en 1829, la première église méthodiste et une petite école furent construites. L’érection de ces bâtiments fut suivie, en 1835, par celle d’un moulin à blé et d’une scierie dans le village de Lakefield. Appartenant à James Arnott, ces bâtisses agrandirent les établissements semblables que Richard Robertson avait édifiés.
En 1837, des volontaires loyalistes de la région de Gore participèrent à la mise en échec de la rébellion des Patriotes du Bas-Canada.
L’année suivante, le village de Lakefield voyait s’élever sa première église anglicane et son premier hôtel.
C’est le 19 octobre 1840 que la région de Gore fut officiellement proclamée canton. En 1841, on y recensait 194 élèves, répartis dans 4 écoles. Cependant, l’année 1844 signala l’exode de certains des pionniers, partant surtout vers les cantons de l’Est. Lakefield ouvra néanmoins son premier bureau de poste et le 1er juillet de l’année suivante, Gore devenait officiellement une municipalité.
En 1850, l’abolition des tarifs préférentiels britanniques sur le bois d’œuvre canadien relança cette industrie, qui reprit alors de la vigueur, stimulée par la forte demande tant des États-Unis que du Canada pour du bois de sciage.
L’histoire du village de Grenville est liée à celles du canton du même nom et du village de Calumet. Les premiers colons, d’origine anglaise, arrivèrent sur ce territoire vers 1810 et lui donnèrent le nom de Lord Grenville (1712-1770), ministre du gouvernement britannique.
Historiquement, l’industrie du bois fut le principal moteur économique du village de Grenville. La première scierie du canton fut construite en 1830, sur le bord de la rivière Kingsey. On lui annexa plus tard un moulin à grains, puis une briqueterie. Aujourd’hui, il ne reste plus que des vestiges de ces constructions.
En 1845, le canton de Grenville devenait officiellement la municipalité du canton et de l’augmentation de Grenville. Une trentaine d’années plus tard, le village forma à lui seul la municipalité du village de Grenville. Dès 1870, l’agglomération comptait 900 personnes et sa population s’élevait à plus d’un millier au moment où la municipalité fut créée.
Le canal du Long-Sault, le chemin de fer Carillon-Grenville et le pont Perley jouèrent des rôles majeurs dans l’évolution du village de Grenville.
Désireux d’établir une voie de communication en retrait des terres américaines, les Britanniques choisirent le tracé du Long-Sault, car il avait l’avantage de relier le lac Ontario à la rivière des Outaouais en restant à bonne distance de la frontière. À l’époque, le voyage entre Montréal et Bytown (Ottawa) durait deux jours et requérait une panoplie de moyens.
L’implantation de cette voie navigable exigeait cependant la mise en place de trois canaux pour éviter les rapides de l’Outaouais : à Carillon, Grenville et Chute-à-Blondeau. Commencé en 1819, le canal du Long-Sault fut inauguré en 1834. En plus des retombées de sa construction, sa position stratégique sur la rivière des Outaouais a contribué au développement du village de Grenville.
Trop peu profond pour permettre le transport du bois par bateau, le canal servit néanmoins à cette fin, grâce à l’emploi de barges. Au début de la saison de navigation, le capitaine d’une barge embarquait sa famille avec lui. Ces voyages n’étaient pas toujours des plus aisés à cause du risque de rater l’entrée du canal et de sauter les rapides, surtout par temps de brouillard, et du danger que posaient les fortes crues printanières.
La venue du chemin de fer a donné un deuxième coup d’envoi au village de Grenville. Commencé vers 1857, son premier tronçon devait relier Ottawa et Montréal. Cependant, le décès d’un de ses deux promoteurs anglais, les frères Sikes, mit un terme au projet. La section Carillon-Grenville étant toutefois presque terminée, elle fut incorporée en 1859, puis vendue à la Ottawa River Navigation Company en 1863. Une affluence de voyageurs en route pour Ottawa ou Montréal faisaient alors escale à la tête du Long-Sault, suscitant l’érection des premiers hôtels de Grenville, le long du canal.
En 1923, le Canadien National (CN) acheta la voie ferrée menant à Grenville. Cependant, au fur et à mesure que la société ferroviaire réduisait ses activités ou optait pour de nouveaux parcours, la gare de Grenville se désertifiait. Elle fut démolie en 1975 et le service du train fut définitivement aboli en 1976.
La construction du pont Perley reliant Grenville et Hawkesbury, en 1931, porta aussi un dur coup au chemin de fer puisque cette infrastructure facilitait grandement les déplacements entre les deux rives de l’Outaouais. Une trentaine d’années plus tard, lorsque le barrage de Carillon fut aménagé, le pont fut surélevé pour permettre le passage de navires. On dragua alors une partie du lit de la rivière, ce qui fit disparaître une île entière et les battures sablonneuses en aval. L’ouvrage a été reconstruit en 1998 et porte maintenant le nom de pont interprovincial du Long-Sault.
Le village de Grenville doit en bonne partie sa croissance à la famille Dansereau, dont le chef, Georges, fut élu député à l’Assemblée nationale du Québec en 1927 et réélu en 1931. Propriétaires de la seule scierie de la paroisse de Grenville, les Dansereau la vendirent à l’entreprise américaine Mason & Risch, réputée pour la construction de pianos de qualité. De la fabrication de bois de plancher, cette installation passa donc à la production de pièces de piano. En 1926, après qu’un violent incendie l’eut dévastée, elle fut remplacée par une usine de sciage de billots et de fabrication de bois de plancher.
Secteur canton de Grenville
Situé sur le Bouclier canadien, le territoire du canton de Grenville fait partie des Hautes-Laurentides, une région caractérisée par des terres peu fertiles, un large couvert forestier et la présence de nombreux lacs. La rivière Rouge, un important bassin versant de la rivière des Outaouais, le traverse du nord au sud, présentant des paysages remarquables.
Dans les premiers temps de la colonie, les Iroquois de la vallée d’Ottawa, établis sur les berges de la rivière Rouge, sillonnaient ce territoire. Au printemps de 1692, ils auraient ravagé le fort Saint-Anne, situé sur l’île de Montréal, abandonné par les Français partis combattre les Indiens le long de la rivière Richelieu. En riposte, 400 soldats français attaquèrent une centaine d’Iroquois à l’embouchure des rivières des Outaouais et Rouge. Ils les massacrèrent tous et seul le chef réussit à s’enfuir. Cette bataille marqua la fin des escarmouches et des combats meurtriers dans cette partie de la vallée d’Ottawa.
L’histoire raconte que le chef iroquois en fuite se rendit au pied des sept chutes, près de l’embouchure de la rivière Rouge, à une table de pierre nommée Table Rock, qui servait de lieu d’offrandes et de sacrifices au manitou. Les Iroquois nommaient d’ailleurs ce cours d’eau « rivière du Grand Esprit » et le considéraient sacré.
Une autre histoire ancienne raconte qu’on pouvait voir trois tombes, placées à sept pieds de distance l’une de l’autre, sur la rive est de la rivière Rouge, renfermant respectivement la dépouille d’un Français, d’un Indien et d’un Noir.
Les premiers colons blancs arrivèrent dans la région de Grenville vers 1795. Le canton fut constitué en 1808 et nommé en mémoire du baron et homme d’État anglais W.-M. Windham Grenville. Une fois arpenté et subdivisé, il accueillit un imposant groupe de colons anglais et irlandais ayant servi dans l’armée britannique.
Après être devenu municipalité du canton et de l’augmentation de Grenville en 1845, le canton fut rétréci en 1876, alors que le village du même nom devint municipalité, et encore plus tard, en 1918, avec la création de la municipalité du village de Calumet.
L’immigration irlandaise commença en 1819 et en 1828, le canton de Grenville comptait 28 familles catholiques. Elle s’amplifia jusqu’en 1848, alors que pendant le seul été de 1831, plus de 50 000 immigrants, en majorité irlandais, débarquèrent à Québec. Des centaines d’entre eux s’établirent dans la région. En 1839, le canton recensait 74 familles canadiennes et 34 irlandaises.
Malgré cela, la colonisation avait peu progressé au milieu du siècle, car une grande partie des terres appartenaient à des propriétaires qui ne les louaient que rarement et alors, en petites parcelles seulement. Puis, une épidémie de choléra frappa les habitants de Grenville en 1854. Une centaine d’entre eux furent gravement atteints et une trentaine d’autres en moururent.
En 1855, la voie ferroviaire reliant Montréal à Lachute traversait le canton de Grenville, qui avait sa propre gare.
Mais un autre malheur s’abattit sur la communauté grenvilloise en 1859, lorsque sa chapelle fut dévastée par le feu. Le choix du site où ériger une nouvelle église suscita une vive polémique, à un point tel que plusieurs familles catholiques se convertirent à la religion baptiste en signe de protestation, alors que d’autres abandonnèrent tout simplement la pratique religieuse.
L’année 1900 marqua un tournant dans l’histoire du canton de Grenville, avec la découverte d’une pierre blanche qui s’avéra être de la magnésite. L’exploitation de ce minerai contribua grandement au développement de la région et, à compter de 1907, des entreprises minières s’installèrent dans les secteurs de Calumet, Grenville et Harrington. Le chemin de fer de Calumet servait au transport de la magnésite et une des compagnies minières fit construire une voie reliant sa mine avec les rails du Canadien Pacifique, à l’est de la station de Grenville, à Marelan.
Extraire la magnésite comportait des risques et l’usine de Kilmar, située sur le chemin Kilmar, fut la scène du décès de quelques résidants de Grenville dans les années 1950.
En 1972, Dresser Industries fit l’acquisition des installations d’une des plus importantes entreprises de magnésite. En fournissant du travail à 460 personnes, elle devint un pilier de l’économie régionale. Aujourd’hui, c’est l’industrie Resco Canada qui occupe les lieux et offre 143 emplois.
Secteur Pointe-au-Chêne
La vocation touristique de ce hameau situé sur le bord de la rivière des Outaouais est née de la présence de plages sablonneuses. Aujourd’hui encore, plusieurs petites routes mènent à des chalets en bordure de l’eau.
En avril 2002, le village de Calumet et le canton de Grenville se sont regroupés volontairement, pour former la nouvelle municipalité de Grenville-sur-la-Rouge.
Secteur Calumet
Le village de Calumet se situe à l?embouchure de la rivière du même nom, au confluent de la rivière des Outaouais. Son appellation aurait une double source : l?habitude des Amérindiens de fumer le calumet à cet endroit, ou la présence d?une pierre de qualité servant à fabriquer des pipes et des calumets.
À l?origine, Calumet était compris dans les limites du canton de Grenville. En 1918, celles-ci furent modifiées pour former la municipalité du village de Calumet.
Robert McIntyre, un résidant de Grenville, construisit une scierie sur l?île de Calumet en 1885. Plus tard, il acheta les installations appartenant au ministre J.K. Word. À l?époque, Calumet produisait annuellement environ deux millions de pieds de bois. La cinquantaine de familles vivant à proximité des installations de sciage constituèrent le noyau du village.
Cette activité industrielle attira de nouvelles familles, ce qui exigea la construction d?une première école, en 1897. Auparavant, pour répondre aux besoins de la population anglophone protestante, l?église anglicane Trinity Church avait été érigée en 1888, alors que la première paroisse catholique, Saint-Ludger, ne vit le jour qu?une dizaine d?années plus tard.
En plus des retombées économiques de l?industrie du bois, c?est l?implantation du chemin de fer et l?exploitation d?une mine de magnésite, de 1907 à 1945, qui ont surtout contribué au développement du village de Calumet.
Commencée au milieu du XIXe siècle, la construction d?une voie ferrée reliant Montréal à Lachute fut terminée en 1876. L?année suivante, la gare de Calumet était à son tour achevée, stimulant l?économie du village. La circulation des voyageurs et le transport de la poste et des marchandises faisaient de cette halte entre Montréal et Hull un lieu très fréquenté. Pendant que les employés alimentaient en eau l?engin à vapeur, les passagers descendaient manger au restaurant de la gare.
Cette situation allait créer diverses occasions d?affaires, dont la mise en place d?un service de traversier pour permettre aux passagers de se rendre jusqu?à L?Orignal, du côté ontarien de la rivière des Outaouais.
L?industrie de la magnésite a également profité du chemin de fer, surtout après la construction d?une nouvelle gare à Marelan, tout près de l?usine. La Canadian International Paper (CIP), installée sur l?île de Calumet, acheminait, elle aussi, un fort volume de bois par le train. Cette scierie a cessé ses activités en 1968, mais l?entreprise conserve toujours ses bureaux à Grenville.
En 1918, un incendie anéantit une bonne partie du village de Calumet, qui n?a jamais retrouvé sa prospérité d?antan. Une église catholique y fut toutefois construite en 1929 et les religieuses du Sacré-C?ur y arrivèrent en 1944. Pour sa part, la grotte de Lourdes fut érigée sur le terrain de l?église au début des années 1960.
En avril 2002, le village de Calumet et le canton de Grenville se sont regroupés volontairement, pour former la nouvelle municipalité de Grenville-sur-la-Rouge (décret 417-2002).
Canton de Harrington
Le canton de Harrington fut officiellement intégré au comté d’Argenteuil en 1841, puis institué publiquement en 1855. Ce n’est toutefois qu’en 1907 que ce territoire, tel qu’on le connaît aujourd’hui, fut confirmé à titre de canton.
On raconte que la montagne appelée Sugar Loaf porte également le nom de Michel’s Toque, à la mémoire de l’autochtone Michel Shiship qui habitait dans la vallée de la Rouge, le premier secteur du canton de Harrington à être occupé par des Blancs. Les frères Leon et Joseph Marion, des Écossais d’origine, furent les premiers colons à s’y installer.
La première église presbytérienne du canton servait également d’école. À l’époque, plusieurs habitants, notamment ceux du chemin Scotch, natifs du pays de Galles, s’exprimaient encore dans leur langue maternelle, le gaélique. Après maintes demandes, ils finirent par obtenir les services d’un missionnaire parlant leur langue.
En ces temps anciens, il n’était pas facile aux gens de Harrington de s’approvisionner. Ils devaient se rendre à cheval, par des routes accidentées, jusqu’à Grenville ou Lachute. Le propriétaire du bureau de poste de Fairy Glen annexa donc un petit magasin à ce bâtiment pour y offrir des produits de base, tels que des vêtements, du coton et des harnais, qu’il échangeait aux fermiers contre du beurre, des œufs ou de la viande. Un second magasin, offrant davantage de marchandises que le premier, fut ensuite construit, et c’est là que fut installée la première ligne téléphonique de Harrington.
Secteur Harrington East
Harrington East est un hameau fondé par des Écossais vers 1840. Autrefois, bien que ses habitants possédaient des fermes laitières et de grande culture, leur principale occupation était l’exploitation des forêts environnantes.
Secteur Lost River
Vers 1849, un autre groupe de colons, originaires de Glenelg, en Écosse, fondèrent Lost River, un petit village situé sur le versant d’une colline qu’arrose la rivière Perdue. Mieux connu sous son nom anglais – Lost River – ce cours d’eau est ainsi nommé du fait qu’à quelques milles de sa source, il disparaît sous un rocher calcaire qui divise les eaux des lacs Gate et Fraser. Le village de la Rivière perdue est entouré de monts où pousse une forêt mixte et d’un grand nombre de lacs.
Au XVIIIe siècle, les Américains qui empruntaient la rivière du Nord s’arrêtaient au lieu appelé « la grosse chute », qui deviendra plus tard The Chute et enfin Lachute, en un seul mot. La plus ancienne mention historique relative à la naissance de la ville est celle du major James Murray qui, en août 1795, organisa une concession autour de « la chute », puis y érigea un moulin. Il y avait effectivement une chute importante sur ce territoire, mais il est difficile d’en retrouver la trace depuis qu’elle a été surplombée par un barrage en 1820.
Arrivé en 1796, le premier colon, Hezekiah Clark, était originaire de Jericho, au Vermont. Pendant deux ans, lui et sa famille furent les seuls habitants de Lachute. Par la suite, six autres familles, provenant toutes de Jericho, les y rejoignirent.
L’année 1809 marque la venue des premiers colons écossais, dont Thomas Barron, lieutenant de la milice, John Meikle, premier commerçant de Lachute, et Patrick Strachan Dunbar, premier président de la commission scolaire protestante. À la fois ingénieux et travailleurs, les arrivants excellèrent notamment dans le commerce et l’agriculture. Dans cette région inexploitée, ils s’imposèrent comme les maîtres des services agricoles. Les maisons confortables qu’ils construisirent le long de la rivière du Nord témoignent aujourd’hui encore d’un style architectural inspiré de leur Écosse natale.
Au début, le village de Lachute faisait partie de la seigneurie d’Argenteuil. Sa croissance rapide favorisa l’établissement d’un noyau anglo-protestant, plus tard devenu la municipalité de Saint-Jérusalem-d’Argenteuil. Le nom de Saint-Jérusalem fut suggéré vers 1843 par le gouverneur Sir Charles Metcalfe pour établir un lien avec la provenance des premiers arrivants, Jericho, et la parabole du bon Samaritain, qui commence par ces paroles : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. » Un registre de la seigneurie d’Argenteuil datant de 1825 recense plus de 2 100 personnes, dont 125 familles à Saint-André et 79 à Lachute.
En 1852, la paroisse de Saint-Jérusalem-d’Argenteuil, qui incluait Lachute, devint indépendante de celle de Saint-André. À cette époque, le village de Lachute comptait 400 habitants. Après la construction de nouvelles usines, en 1871, ils étaient 600. La loi créant Lachute comme localité distincte de la municipalité de la paroisse Saint-Jérusalem entra en vigueur en 1885.
Pendant un quart de siècle, la dynastie des Barron dirigea les destinées des lieux, à commencer par le colonel Thomas Barron Sr., décédé en 1864, puis par son neveu Thomas Barron Jr., de 1866 à 1881. Ce dernier donna le nom des membres de sa famille à plusieurs rues : Barron, bien sûr, puis Grace (sa deuxième femme), Thomas, Robert, Henry, Mary et Sydney.
D’autres Anglo-Saxons d’origine ont également laissé leur marque dans l’histoire de Lachute, entre autres l’Irlandais Robert Gordon, qui y acheta plusieurs centaines d’acres de terre, et l’Anglais James Fish, qui en devint maire et premier maître de poste en 1881.
La croissance réelle de Lachute fut déclenchée par l’érection du chemin de fer, en 1876. La petite agglomération s’est alors mise à supplanter le village de Saint-André. En 1880, lorsque les deux principales industries de la région, la papeterie de J.C. Wilson et l’usine de Ayers et Hamelin, entrèrent en activité, la population était de 650 personnes. À peine cinq ans plus tard, quand Lachute devint ville, elle avait plus que doublé, atteignant 1 311 personnes.
À la fin du XIXe siècle, l’industrie textile du Québec connut un essor considérable. L’usine Ayers, spécialisée dans ce domaine, a ainsi joué un rôle moteur dans le développement de la ville de Lachute. Fondée par Thomas Henry Ayers et son associé Félix Hamelin, elle était située en bordure de la rivière du Nord, pour profiter du potentiel hydroélectrique de ce cours d’eau. La compagnie y a aussi fait ériger deux barrages pour alimenter la population de Lachute en électricité, ainsi que celles de Carillon, Saint-Phillipe et Brownsburg.
La filature Ayers est rapidement devenue le lieu de ravitaillement de la région pour les couvertures, les étoffes, le fil, la laine, etc. L’usine fabriquait également des feutres essentiels aux papeteries canadiennes, des vêtements et autres produits textiles. Elle employait environ 600 personnes pendant la Deuxième Guerre mondiale et environ 400 encore en 1970. Le quartier ouvrier qui s’éleva à proximité était appelé Lachute Mills.
Pour sa part, James Crocket Wilson, natif d’Irlande, implanta la papeterie Lachute Paper Mills dans le même secteur de la rivière du Nord, en 1880. Avec l’usine Ayers, elle constituait le principal employeur de Lachute. En 1985, alors qu’elle s’appelait Price Wilson Ltd., elle était devenue le plus important distributeur de papier industriel au Canada. Connue aujourd’hui sous le nom de Cascades (division carton plat inc. – boîtes pliantes), elle compte 130 employés.
En 1905, alors que le notaire J.-Évariste Valois était maire de Lachute, il fit établir le principe de l’alternance des maires anglophone et francophone aux deux ans. Cette règle a été maintenue jusqu’au début des années 1970.
Au fil des ans, Lachute offrit de plus en plus les services commerciaux, institutionnels et professionnels propres à un véritable centre régional. C’est ainsi qu’elle s’est rapidement imposée comme chef-lieu du comté d’Argenteuil et qu’elle le demeure encore de nos jours, à titre de ville-centre.
Cette municipalité de dimension modeste est située à l’extrémité nord-ouest de l’ancienne seigneurie des Mille-Isles et au nord de Gore. Son relief très irrégulier, pourvu de monts élevés, est parsemé de rivières et de nombreux lacs.
Mille-Isles est ainsi appelée en mémoire de la seigneurie du même nom, orthographiée comme à l’époque. Celle-ci a été concédée à Michel Sidra Gagné Dugé de Boisbriand en 1683, pour plus tard passer aux mains de ses gendres, Charles-Gaspard Piot de Langloiserie et Jean Petit. En 1752, Eustache Lambert Dumont se fit accorder un agrandissement de ce territoire, et c’est là que la municipalité sera créée, en 1855, suivant son détachement de la paroisse de Saint-Jérôme.
Mille-Isles fut colonisée par des Irlandais en 1840 et elle accueillit son premier pasteur anglican en 1860. Celui-ci fut suivi par un pasteur presbytérien en 1863, puis par un méthodiste en 1877. Plusieurs congrégations religieuses ont donc contribué au développement de cette municipalité.
Au début du XXe siècle, les forêts giboyeuses de Mille-Isles alimentaient plusieurs scieries, occupant une partie de la population au travail du bois d’œuvre. La grande culture était également bien développée pendant ces années, alors qu’elle constitue aujourd’hui une activité marginale. L’essor de la villégiature et la conversion de plus en plus fréquente de maisons secondaires en résidences principales transforment désormais la vocation de ce territoire de ressources naturelles.
Secteur Carillon
La rivière des Outaouais fut l’instrument du développement de la région d’Argenteuil, notamment parce qu’elle constituait un corridor stratégique pour la traite des fourrures. Bien avant que les premiers Blancs s’en approprient les terres, la région du Long-Sault (Carillon et Grenville) servait de lieu de passage aux Amérindiens et permettait d’accéder à l’arrière-pays.
En 1660, ce lieu joua un rôle capital dans la bataille opposant les Français et les Hurons aux Iroquois. Attaqués à Carillon par ces derniers, le jeune militaire Adam Dollard des Ormeaux et sa troupe furent massacrés, après avoir résisté à l’assaut pendant plusieurs jours, sauvant ainsi la colonie.
Près de 300 ans plus tard, l’abbé Lionel Groulx, qui allait devenir un chanoine célèbre, fut l’instigateur de la reconnaissance de Dollard des Ormeaux à titre de héros national. Un monument commémorant ce personnage historique fut érigé à Carillon en 1919.
Ce monument, au sommet duquel trône une figure féminine, symbole de la Nouvelle-France, a été créé par le réputé sculpteur Alfred Laliberté. Il repose sur une pierre de granit portant, à sa base, un médaillon représentant la figure tourmentée d’un jeune homme à l’abondante chevelure bouclée. Gravée dans la pierre, l’inscription « Ici ont généreusement donné leur vie pour la Nouvelle-France » est suivie des noms des 17 soldats morts avec leur chef en mai 1660.
Carillon est également le site d’un des trois canaux servant à contourner les rapides à cette hauteur de la rivière des Outaouais. En 1819, le gouvernement britannique ordonna la construction du canal de Grenville, puis ceux de Carillon, en 1827, et de Chute-à-Blondeau. La réalisation de cet ouvrage a largement contribué au développement du village, d’abord parce que plusieurs Irlandais venus y travailler décidèrent de s’y installer.
Inauguré en 1834, le canal du Long-Sault permettait de remonter l’Outaouais jusqu’à Bytown (Ottawa) et ainsi d’accéder au lac Ontario. Construit pour des raisons militaires, il fut principalement utilisé à des fins commerciales et servit jusqu’à l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent, qui supplanta l’usage de l’Outaouais comme lien fluvial entre Montréal et Ottawa.
En 1959, Hydro-Québec érigea un barrage et une centrale hydroélectrique à Carillon, inondant une bonne partie des berges du territoire du Long-Sault, dont le site archéologique de la baie des Sauvages. C’est là que se trouve une haute écluse, aménagée dans le barrage pour permettre de remonter les bateaux en une seule étape.
Tout à côté, le Parc de Carillon arbore un imposant monument abstrait, inspiré de la célèbre bataille du Long-Sault. Composé de 18 monolithes, cet ensemble représente Dollard des Ormeaux, ses compagnons ainsi que les Premières Nations. Il s’agit d’une œuvre de l’architecte et écrivain Jacques Folch-Ribas, réalisée avec la collaboration des peintres et sculpteurs Paul Borduas et Jordi Bonet.
En décembre 1999, les villages de Carillon et de Saint-André-Est ainsi que la paroisse de Saint-André-d’Argenteuil se sont regroupés volontairement, pour former la nouvelle municipalité de Saint-André-d’Argenteuil (décret 1408-99).
Secteur Paroisse de Saint-André-d’Argenteuil
La région d’Argenteuil doit son nom à Charles Joseph d’Ailleboust, premier seigneur du lieu et propriétaire d’un château situé à Argenteuil sur Armançon, en France. Ces terres de la Nouvelle-France lui furent cédées aux environs de 1682, mais les premiers colons n’y arrivèrent qu’après 1732, alors que dame Marie-Louise Denys de la Ronde détenait les titres de propriété de la seigneurie. En 1740, seulement cinq familles francophones y vivaient, aux abords de la rivière des Outaouais.
Grâce aux caractéristiques de ses sols, l’ancienne paroisse de Saint-André d’Argenteuil possède le meilleur potentiel agricole de la MRC. Cela explique que l’agriculture y soit aujourd’hui encore intensive. Ce territoire compte plusieurs résidences en pierre, construites vers 1820, dans le style architectural dit « québécois », soit avec des toits à deux versants et arborant deux cheminées de pierre.
En décembre 1999, les villages de Carillon et de Saint-André-Est ainsi que la paroisse de Saint-André-d’Argenteuil se sont regroupés volontairement, pour former la nouvelle municipalité de Saint-André-d’Argenteuil (décret 1408-99).
Secteur Saint-André-Est
Après avoir changé plusieurs fois de mains, la seigneurie d’Argenteuil fut acquise en 1796 par le major James Murray, qui tenta d’attirer des immigrants dans la région. L’appropriation des terres d’Argenteuil a commencé aux abords de la rivière des Outaouais, pour continuer le long de la rivière du Nord et finalement s’étendre à l’arrière-pays.
Suivant l’arrivée de loyalistes américains, de nombreux Écossais presbytériens s’établirent à Saint-André. L’abondance de bois et la proximité des rivières du Nord et des Outaouais expliquent la croissance rapide et la prospérité que le village connut au début du XIXe siècle.
Saint-André devint très tôt un centre artisanal important, attirant plusieurs gens de métier. C’est d’ailleurs là que fut installée la première papeterie du Canada, construite par l’Américan Walter Ware en 1803. Sa présence incita des loyalistes américains à s’installer d’abord à Saint-André ou à Carillon, puis à Lachute.
Plus tard, l’échec du projet de voie ferrée reliant Montréal à Ottawa en passant par Carillon et Grenville contribua à déplacer le centre d’attraction de Saint-André vers Lachute. À la fin du XIXe siècle, la mise en service d’un chemin de fer entre cette localité et Saint-Jérôme a stimulé le développement industriel de Lachute, qui allait ainsi devenir le chef-lieu d’Argenteuil.
Parmi les faits historiques qui distinguent Saint-André, mentionnons que John Caldwell Abbott, maire de Montréal de 1887 à 1888, puis premier Canadien de naissance à devenir Premier ministre du Canada (1891-1892), en est originaire. Son père, le révérend Joseph Abbott, était pasteur de l’église anglicane du village, alors appelé Saint-Andrews on the Ottawa River.
Maud Abott, petite-nièce du révérend Joseph Abbott et petite-fille de William Abbott, fut l’une des premières femmes médecins au Canada et reconnue comme étant une sommité en matière de maladies cardiaques. Elle figure au Temple de la renommée médicale canadienne.
En décembre 1999, les villages de Carillon et de Saint-André-Est ainsi que la paroisse de Saint-André-d’Argenteuil se sont regroupés volontairement, pour former la nouvelle municipalité de Saint-André-d’Argenteuil (décret 1408-99).
Deux hypothèses circulent quant à l’origine du toponyme Wentworth. La première fait référence au nom d’un village du comté de York, en Angleterre. D’autres y voient plutôt le patronyme de sir John Wentworth (1737-1820), dernier gouverneur royaliste du New Hampshire. En 1776, en pleine Révolution américaine, il met sur pied une compagnie de volontaires loyalistes; c’est peut-être ce fait d’armes qui lui vaut son apparition dans la toponymie québécoise alors qu’il est toujours vivant. Il aura également été inspecteur des Forêts de la Nouvelle-Écosse de 1783 à 1792, puis lieutenant-gouverneur de ce même endroit jusqu’en 1808.
Comme pour le reste de la région des Laurentides, le territoire actuel de la municipalité de canton de Wentworth aurait été parcouru et occupé par plusieurs nations autochtones au fil des générations, ainsi que par des coureurs des bois au courant du 18e siècle. Le 3 juin 1809, la Couronne britannique concède de premiers lots de terre à des colons; aucune trace de développement n’est cependant rattachée à ces concessions.
Secteur Dunany
C’est aux environs de 1815 que se produit la première vague de colonisation, dans le secteur Dunany. Elle est composée d’Écossais venus de la région de Glen Lyon et d’Anglais originaires de l’East Yorkshire. Les pionniers du hameau Dunany, de religion baptiste, seront en contact continu avec la communauté de Chatham, plus au sud (faisant aujourd’hui partie de la ville de Brownsburg-Chatham), et ce, surtout à partir de 1835, année de construction du temple baptiste sur le chemin Dalesville.
Les pionniers habitent des maisons de bois rond et consomment du porc salé, du poisson, du lait et des pommes de terre. De plus, des initiatives de commerce de potasse (utilisée dans la fabrication de savon) autour du lac Clair servent à leur survie. En 1853, un bureau de poste est établi à Dunany.
Le nom « Dunany » a été donné au hameau par Sydney Bellingham (Irlandais d’origine, avocat, député et colonel des Rangers d’Argenteuil ayant participé à la Rébellion de 1837), en souvenir d’une région homonyme du nord de Dublin, en Irlande.
Secteur Louisa et naissance de la municipalité de canton
En 1855, la municipalité du canton de Wentworth est créée. Au cours de la même décennie, le pionnier Charles Vary installe sa ferme dans l’ouest du canton, aux abords d’un plan d’eau qui prendra plus tard le nom de lac Louisa; elle n’était pas très loin d’une île qui porte aujourd’hui les noms McBurrey ou Murray. Presque deux décennies plus tard, au début des années 1870, le député sir John Caldwell Abbott (1821-1893) et sa femme Mary Bethune découvrent Wentworth et décident d’acheter un lot surplombant le lac Louisa. Ils y font ériger un chalet en bois équarri auquel ils donnent le nom symbolique de Liberty Hall; cette construction existe toujours.
À la suite de l’établissement de nouveaux pionniers dans la portion sud-ouest de Wentworth, un second bureau de poste y ouvre ses portes en 1880. Cinq ans plus tard, le bâtiment des orangistes de Wentworth est construit dans le même secteur; il comprend un hall et une loge séparée par un mur intérieur. Fondée pour la suprématie du protestantisme et de la langue anglaise, cette organisation fraternelle est introduite au Canada en 1832 à Brockville, en Ontario. La constitution d’une loge et la construction d’un lieu de réunion montrent l’importance de cette idéologie parmi les pionniers de Wentworth. L’activité annuelle commémorative de la loge est la fête du 12 juillet, qui rappelle le souvenir de la bataille de la rivière Boyne en Irlande du Nord en 1690, au cours de laquelle le protestant Guillaume III d’Orange remporte la victoire sur le catholique et francophile ex-roi Jacques II Stuart.
En 1893, c’est au tour de l’église anglicane St. Aidan’s d’être construite, juste à côté de la loge orangiste. Le cimetière et l’école protestante primaire de Louisa sont aussi établis à la même époque, ce qui crée le hameau de Wentworth. À noter qu’avant l’ouverture d’un cimetière consacré, les gens du coin enterraient leurs morts à même leurs fermes, une réalité encore visible de nos jours par les traces de cimetières familiaux laissées sur certains terrains.
Secteur Glen
Parallèlement au développement du secteur Louisa se produit celui du chemin Glen, autour duquel se retrouvent concentrés une fromagerie, une scierie, une cabane à sucre, une sablière, un magasin de ferme, un élevage de petits animaux de bétail et une école protestante. Cette dernière est située sur la terre des Morrison, l’une des familles pionnières de ce secteur; elle sert aujourd’hui de résidence privée. Le nom « Glen » renvoie au mot gaélique gleann, qui réfère à une longue vallée traversée par un petit ruisseau. Les habitants des cantons de Gore et de Wentworth utilisent souvent l’appellation The Glenn pour parler de ce secteur, qui a rappelé la mère patrie aux pionniers arrivants.
Le développement de la villégiature
La première moitié du 20e siècle à Wentworth est marquée par le développement progressif et structuré de la villégiature, dans la lignée de l’érection du Liberty Hall de sir Abbott, de la création de l’association sportive communautaire du lac Louisa et de la construction de chalets d’été sur les îles de ce même plan d’eau entre 1900 et 1915. Ce demi-siècle voit aussi les fermiers des environs employer leur savoir-faire à l’édification des chalets des vacanciers et à l’exploitation des ressources naturelles environnantes.
En 1922, le golf du chemin Dunany est incorporé à l’initiative de deux femmes: Katherine McRobie, membre du Country Club de Montréal, et son amie Catherine Campbell. Le bâtiment central, ou club-house, est érigé en 1939 en bois rond peint imitant les maisons de pionniers. L’année suivante, c’est le Lake Louisa Fish and Game Club (LLFGC) qui est incorporé le 31 octobre dans un but écologique et sportif. En effet, il vise la protection complète des espèces qui peuplent le lac contre la pêche et encourage les activités sportives. Il est remplacé en 1945 par l’Association sportive du lac Louisa. Tant cet organisme que le golf sont toujours en activité.
Voir section Documentaires
Voir section Documentaires
Voir section Documentaires
Flavie Vaudry, agente de développement en patrimoine immobilier
fvaudry@argenteuil.qc.ca | 450 562-2474, poste 2363